Garantir l’authenticité, la fiabilité, l’intégrité et la lisibilité des archives dans le temps et l’espace : le double visage des SAE, un service et un système.
Archiver, ce n’est pas uniquement conserver pour le plaisir de conserver. C’est surtout une démarche nécessaire dont le but final est de pouvoir accéder aux documents y compris les données dont on a besoin.
L’archivage, un voyage temporel et spatial
- Dimension temporelle : les besoins en termes d’accès aux documents et données peuvent aussi bien être immédiats, métiers, nécessaire à la prise de décisions (accountability), que sur le très long terme à des fins historiques, patrimoniales.
- Dimension spatiale : l’espace de conservation tant physique (le bâtiment) que numérique (magasin de stockage) peut se révéler ne plus répondre aux normes contemporaines, et devenir obsolète. Aussi est-il primordial de conceptualiser, puis mettre en œuvre, la capacité de transmettre des documents et des données archivées de système à système, sans corruption et en conservant l’intégrité tout comme la lisibilité des archives.
L’archivage : contenu, système et service
Au regard de ces attendus, il est nécessaire de préciser ce qu’on attend à la fois du contenu (les documents et les données), du système et du service qui vont gérer ces contenus.
Le contenu, le document ou la donnée, est la trace d’une action, où d’une activité.
Pour nous aider à déterminer si le document est bien ce qu’il prétend être, la diplomatique, cette science auxiliaire de l’histoire apparue au Moyen-Âge, destinée à identifier les fausses chartes et diplômes, est d’une aide précieuse : elle caractérise trois types d’authenticité :
- L’authenticité « historique », ou exactitude : les faits ou actions relatés dans le document se sont réellement produits. On peut déterminer ceci en recroisant plusieurs documents entre eux, par exemple.
- L’authenticité « juridique » : Le document est jugé véritable ou vraisemblable aux yeux des juges car il porte la marque d’une validation faisant foi pleine et entière sur son contenu.
- L’authenticité « diplomatique », ou fiabilité : l’ensemble des formes que requiert le document sont toutes adoptées et respectées, et que toutes les formes de contrôles sur la procédure de laquelle il émane ont été appliquées.
Les éléments pratiques pouvant nous aider à déterminer ces critères d’authenticité du document numérique sont de plusieurs ordres :
- La présence, ou non, d’une signature électronique dont les caractéristiques suivent les référentiels en vigueur, comme eIDAS, ou celui de l’ANSSI
- L’association, ou non, de métadonnées contextualisant la création, la capture, le cycle de vie et le sort final du document, ces métadonnées pouvant s’appuyer sur des normes telles que le Dublin Core, METS ou PREMIS,…
- L’adoption et le suivi de processus structurés de gestion, de contrôles de conformité documentaires, ou même de démarche qualité (ex : norme ISO 15489).
Le système d’archivage électronique correspond aux matériels et procédures techniques permettant de maintenir l’ensemble des qualités du document. Celui-ci comprend :
- La couche matérielle : il s’agit des supports de stockage, dont la portée s’étend du CD-Rom à la baie de disque, en passant par les bandes LTO, les mémoires flash, etc. Il est entendu que chaque support possède des qualités et des défauts sur lesquels l’archiviste devra s’appuyer pour définir quel type de support convient à quel type de document et pour quel usage.
- La couche logicielle : qui implémente l’ensemble des règles de gestion définie par le métier des archives, et les applique sur les documents.
- La procédure technique, permettant de garantir la sécurité du système.
Un certain nombre de normes telles que la NF Z-42013 : 2009 permettent de bien appréhender les exigences et recommandations nécessaires pour construire ce système d’archivage électronique.
Le service d’archivage électronique, enfin, qui s’adosse à l’outil et à ses capacités : il s’agit de la manière dont les capacités de l’outil peuvent être exploitées pour répondre aux exigences métier du service des archives.
En complément, on mettra l’accent sur :
- Le suivi des procédures qui s’appuient sur celles du métier des archives et celles implémentées dans la couche logicielle du système, ainsi que des mesures pour faire appliquer ces procédures (comme par exemple, les formations récurrentes des utilisateurs)
- La garantie d’une qualité de service tout au long de la durée de vie du système : c’est l’objet de la norme ISO 16363 établie par le CCSDS qui propose des critères d’audit pour juger de la performance et de l’adéquation d’un service d’archivage électronique à son contexte métier mais également en fonction des contenus documentaires.
La certitude qu’un document sous forme numérique puisse, dans plusieurs centaines d’années, et peut-être sur une autre planète, être ce qu’il prétend être, que son message ne soit ni corrompu, ni altéré, en un mot que son authenticité soit préservée, n’est pas chose aisée : la variété des contenus, la volatilité du numérique, les volumes exponentiels sont des obstacles majeurs et permanents. Cependant, une quinzaine d’années de réflexions archivistiques[1], de réalisations et de mises en pratique de nombreux systèmes et de services d’archivage électronique invitent non seulement à l’optimisme, mais également à se mettre dès à présent en marche pour construire un système et un service d’archivage électronique !
Charlotte Maday
Consultante Spark Archives
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Illustration : le Voyager Golden Record, Disque d’or des sons de la Terre, embarqué à bord des sondes spatiales Voyager (1977). (image : NASA, https://web.archive.org/web/20041101160119/http://dayton.hq.nasa.gov/IMAGES/LARGE/GPN-2000-001976.jpg)
[1] F. Banat-Berger, C. Nougaret, Faut-il garder le terme archives ? des archives aux données in La Gazette des archives, vol 233 n°1, 2014.
Du même auteur :
- Conserver des documents qui comportent des données à caractère personnel – Sur la route du RGPD
- Les processus archivistiques à l'épreuve des volumétries massives des données - Partie 1
- Les processus archivistiques à l'épreuve des volumétries massives des données - Partie 2
- Métadonnées : le minimum vital ou le strict nécessaire ?
- OAIS - ISO 14721 - Forces, faiblesses, opportunités, menaces.
- Autorisation d’élimination d’archives et vérification du représentant du contrôle scientifique et technique.
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